'Les étrangers ne nous considèrent pas comme des êtres humains... C'est pour cette raison que les compagnies et le gouvernement indonésien nous traitent comme des animaux, et usent de mesures brutales et cruelles.'

Guerriers des hautes terres © Jeanne Herbert/Survival
Qui ce nom désigne t-il ?
Ce sont les Portugais qui découvrirent la Nouvelle-Guinée au XVIe siècle. Ils l'appelèrent Papua, mot qui venait de la langue malaise, papuwa, 'les cheveux crépus'. Papou désigne une infinité de peuples divisés en tribus et en clans, de langues et de modes de vie différents. Les Papous sont des Mélanésiens.
Dans quels pays et dans quel milieu naturel vivent-ils ?
Les Papous vivent en Nouvelle-Guinée, une grande île située dans l'océan Pacifique, au nord de l'Australie, entourée d' îles plus petites, comme la Nouvelle-Bretagne.

La Nouvelle-Guinée est couverte d'épaisses forêts pluviales, avec des montagnes qui s'élèvent jusqu'à 4500 mètres. Il peut donc y faire un climat chaud et humide, mais aussi froid du fait de l'altitude. Près des côtes, dans les basses terres marécageuses, les Papous sont moins isolés et plus en contact avec le monde moderne.
L'île de Nouvelle-Guinée est divisée en deux :
- à l'ouest (en jaune sur la carte), la Papouasie occidentale, appelée autrefois Irian Jaya, une province de l'Indonésie depuis 1963, où les Papous réclament leur indépendance.
- à l'est (en gris sur la carte), La Papouasie-Nouvelle-Guinée, pays indépendant depuis 1975, avec Port-Moresby comme capitale.
Drapeau de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
Combien sont-ils ?
En Papouasie occidentale, on compte 312 peuples papous, représentant un million de personnes.
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, huit habitants sur dix sont papous, soit 3,6 millions.
Voici quelques-uns des peuples papous, ceux dont on parle dans cette page :
les Iatmul de la vallée du Sépik
les Dani de la vallée du Baliem, qui sont 150 000, le groupe le plus nombreux de Papouasie occidentale
les Amungme, des Hautes Terres du centre-sud
les Asmat de la côte sud
les Korowaï isolés au cœur des montagnes
les Baruya des montagnes de Papouasie-Nouvelle-Guinée
les Lakalai sur l'île de Nouvelle-Bretagne,
les Mendi des montagnes de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Quelles langues parlent-ils ?
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Papous parlent 750 langues différentes. L'enga, utilisée par 180 000 personnes, est l'une des plus parlées. Certaines ne sont utilisées que par quelques dizaines de personnes, et sont hélas en voie de disparition. A l'école primaire, le pidgin est la langue commune, et pour les études, le commerce ou la politique, on parle plutôt anglais.
Comment s'habillent-ils ?
Les Papous vivaient nus, avec des parures d'une richesse et d'une variété infinies. Au jourd'hui, ils adoptent volontiers les vêtements européens, mais pour les fêtes, les traditions ne sont pas oubliées. Les hommes initiés portent un étui pénien, un long fruit pointu séché et vidé qu'ils enfilent sur leur pénis et portent dressé vers le ciel. Certains étuis ont un mètre de long. Les femmes portent souvent des jupes en fibres végétales séchées.
Suivant les clans, les parures varient : colliers de dents de chien dont le nombre indique combien de chiens on a mangé, cravates en petits coquillages blancs servant aussi de monnaie, les cauris, plumes aux couleurs vives en couronne autour de la tête, os d'ailes de chauve-souris, dents de cochon courbes, ou mandibules d'insectes en travers de la cloison nasale, larges pendentifs de nacre, peintures multicolores sur tout le visage.
Pour garder les mains libres, ils transportent leurs affaires dans de longs filets en fibres tressées qui pendent dans le dos. Pour se protéger de la pluie, ils se couvrent d'immenses feuilles de pandamus.
Comment sont leurs maisons ?
Les Korowai de Papouasie occidentale ont sans doute les maisons les plus étonnantes, perchées dans les arbres à plus de 20 mètres du sol. On y monte par des échelles faites en taillant des encoches dans des troncs étroits et bien droits. Les bois de la structure sont noués par des liens en rotin, les cloisons et le sol sont couverts de bandes d'écorse, et le toit est en feuillages de palmier sagoutier (tu liras plus bas ce qu'est le sagoutier). La décoration consiste en coquilles, carapaces et os, témoignages de l'habilité et du courage du chasseur qui vit sous ce toit.
Ces maisons sont perchées si haut pour être loin de la vermine qui attaque le bois, des moustiques qui dévorent la peau et des animaux prédateurs. Et puis, de là-haut, on a une vue dégagée pour surveiller l'approche de tout visiteur.
Les Asmat construisent dans chaque village une maison commune de 80 mètres de long, sur pilotis pour être au-dessus de la boue et des inondations. Les hommes s'y retrouvent pour discuter et les plus âgés apprennent aux plus jeunes toutes les choses de la vie. C'est une sorte d'école.
Quels animaux vivent autour d'eux ?
La forêt pluviale abrite de nombreuses espèces d'oiseaux aux plumes magnifiques, précieuses pour les parures, comme l'oiseau de paradis et la cacatoès. Le plus recherché est sans doute le casoar. Il mesure 1,50 m de haut, pèse 80 kilos et porte un casque à corne qui lui permet de foncer tête baissée à travers les branches. Capturer un casoar est une épreuve que tout jeune homme doit surmonter afin de récupérer la force et la rapidité de l'animal.
Les Mendi élèvent les casoars : ils capturent les poussins en forêt et les gardent en cage. Les femmes sont chargées de les nourrir, et ils seront tués pour les grandes fêtes. On peut parler du 'salon du casoar' qui se tient tous les ans dans certains villages. Après des parades où les hommes dansent avec chacun un casoar sur le dos, les visiteurs venus de très loin échangent plumes, os, pattes et viande de l'oiseau contre des outils, coquillages, colliers, etc.
Le couscous est un petit lémurien très recherché par les Asmat. C'est avec sa fourrure qu'ils font leurs chapeaux.

Jeune Asmat © Jeanne Herbert/Survival
Les cochons font partie de la famille. On peut voir des mères allaiter leur bébé d'un sein et un petit cochon de l'autre. Il y en a des rayés, des tachetés, des gris, et tous finissent sur le feu lors des repas partagés avec toute la tribu et ceux du village voisin. Ils servent de monnaie d'échange et de cadeau pour les mariages.
Que mangent-ils ?
La base de la nourriture est le sagou, pâte obtenue à partir de la chaire du palmier sagoutier que les Papous abattent à l'herminette en forêt (voir le dossier recettes de cuisine de septembre 2006). L'herminette est une petite hache à lame de pierre ou de métal. En une journée, un sagoutier est abattu, sa pulpe récupérée et 50 kilos de sagou sont préparés.
Les tubercules comme le taro, l'igname et la patate douce, les haricots, les courges, les bananes, la canne à sucre sont cultivés dans les jardins. Ce sont les hommes qui aménagent les clairières en défrichant la forêt pour que les femmes y entretiennent des jardins.
On mange de la viande en tous genres : larves en beignets, criquets, salamandres, lézards, sauterelles et serpents cuits sur des pierres chauffées dans le feu. Le porc est le menu de fête que l'on partage quand les convives invités sont nombreux. Les hommes chassent aussi des porcs sauvages, des oiseaux et du petit gibier. On cueille en forêt les fruits de l'arbre à pain, boules vertes à chair douce.
Les Baruya produisent du sel végétal en barre à partir d'un jus qu'ils pressent dans des lanières d'écorce. Ils troquent ce sel contre des choses qui leur manquent et que d'autres tribus produisent.
Comment chassent-ils ?
La chasse est réservée aux hommes, sur des territoires bien précis appartenant au clan et chaque arbre est la propriété d'un groupe. Chasser sur les terres du voisin signifie déclencher une guerre.
Les types de flèches sont variés, suivant ce que l'on chasse. Pour le casoar, elles sont en bois dur et crénelées de dents tranchantes, tandis que pour tirer le petit gibier, on choisira une flèche à lame de bambou plate. Les chasseurs posent aussi des pièges sur les parcours des animaux.
Quant à la chasse à l'homme, elle a en principe disparu des traditions, en même temps que le cannibalisme, ou anthropophagie.
Chez les Asmat, la pêche est le travail des femmes, même si les hommes sont présents pour les protéger. Chez les Papous, les rôles sont toujours répartis de façon précise entre hommes et femmes.
Quels sont leurs croyances et leurs rites ?
Beaucoup de Papous, comme les Dani, ont été convertis au christianisme par des missionnaires souvent nord-américains. C'est ainsi que les traditions disparaissent, comme celle de faire la guerre au clan voisin sous prétexte de venger une offense, et de manger sa victime pour en récupérer la force.
Pour les Baruya, ce sont les femmes qui ont créé les plantes, les outils, les arts et tout ce qui permet la vie. Les hommes leur ont tout dérobé par la force et la ruse, et passent leur vie à empêcher les femmes de récupérer tous ces biens.
Pour les Korowaï, la mort naturelle n'existe pas. Elle est toujours due à un mauvais sort jeté par quelqu'un qu'il faut rechercher et tuer. Les guerres de vengeance sont donc sans fin. Une de leur légendes annonce la fin du monde dès le premier contact avec les Blancs et leurs objets modernes.
Comment sont leurs fêtes?
Elles sont toujours l'occasion de partage et d'échange. On cuit sur la place du village plusieurs cochons avec des patates douces à l'étouffée sous une épaisse couche de feuilles. En attendant, les hommes exécutent autour du foyer des danses guerrières rythmées par les tambours. On découpe la viande et on offre aux invités les meilleures parties, le foie et la graisse.
Pour ces occasions, les parures sont particulièrement soignées : peintures du visage et du corps, coiffures de plumes, os, fourrures et coquillages superposés, narines traversées d'énormes dents de sanglier ou os de casoar.
Chez les Lakalaï, pour honorer les morts, on organise de grandes distributions de nourriture en compagnie de statues qui les représentent. Elles sont sculptées dans du bois, peintes avec des pâtes végétales et coiffées de fibres savamment tressées. Puis ces statues seront rangées dans la maison des morts.
Quelles œuvres d'art produisent-ils ?
Le bois est le matériau essentiel dans ces régions de forêt dense. Statues, boucliers, masques, tabourets, tambours et flûtes de cérémonie sont toujours sculptés de motifs riches et souvent peints. Ce sont des objets sacrés que l'on range dans la maison des hommes, loin du regard des femmes.
Pour les Iatmul de la vallée du Sepik, plutôt pêcheurs et chasseurs de crocodile, ce sont les crocodiles qui ont créé le monde : pirogues et tabourets prennent la forme de l'animal, avec sa peau à écailles et ses longues machoires. Le grand tambour à fente, taillé dans un tronc creusé, surmonté d'une tête aux yeux terrifiants, fait entendre la voix des esprits.
Les jeunes hommes asmat fabriquent leur couteau dans le tibia du premier casoar qu'ils ont chassé. Il est extrèmement tranchant, finement sculpté et rangé dans un fourreau en vannerie décoré de plumes.
Quels sont leurs problèmes dans le monde actuel ?
La situation est bien différente suivant que l'on est un Papou de Papouasie occidentale ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Pour les premiers, colonisés depuis 1962 par l'Indonésie, retrouver leur indépendance est essentiel. Ils se révoltent contre le gouvernement et leurs manifestations sont toujours violemment réprimées par l'armée. Tortures, disparitions, massacres, villages brûlés et population affamée obligée de fuir en forêt : c'est le scénario habituel, mais dont on parle peu car les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à y travailler.
Les raisons de leur révolte se trouvent aussi dans la destruction de leur environnement. La plus grande mine d'or du monde, exploitée par les Etats-Unis, est chez eux, dans les montagnes du Grasberg, et ils n'en reçoivent que des bénéfices minimes.
Leur forêt disparaît au rythme de 250 000 ha par an, d'après Greenpeace. Les bois rares de la région des Asmat sont recherchés par des compagnies japonaises, coréennes et taïwanaises, responsables de la déforestation.
Le gouvernement indonésien a envoyé vivre en Papouasie occidentale un million de colons venus de Java. Ils'installent sur les terres des Papous et sont maintenant plus nombreux que les Papous eux-mêmes.
Face à toutes ces agressions, les Papous ont créé leur propre armée, l'OPM, et leur propre drapeau. Le brandir, c'est risquer dix ans de prison.
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